Christobald a écrit :Je suis d'accord avec toi sur le rôle et les demandes du PC et des syndicats, tout en considérant qu'elles étaient tout à fait légitimes aussi.
Je ne te suis pas, par contre, sur cette idée que le système capitaliste ai récupéré 68, pour la raison essentielle que la plupart des demandes ne concernaient pas une critique du capitalisme mais une volonté d'émancipation qui passait aussi par la consommation.
Jean-Pierre Le Goff raconte fort bien, combien la fièvre du management est apparue dans les années 80 et 90 et a un rapport certain avec des slogans de 68.
Tu as raison d'évoquer la dictature de la séduction.
Non, au contraire, 68 était une critique du capitalisme et de la société de consommation qui étaient vus comme les instruments d’une société patriarcale étouffante. Un des mots d’ordre dans les AG était l’auto-gestion (un avatar sera les LIPs). On a essayé d’entraîner la classe ouvrière sur ce terrain là. Les syndicats, après avoir donné l’impression de céder ont au contraire repris la main et ont été les fossoyeurs du mouvement car dans les négociations avec Pompidou à qui De Gaulle dépassé à refilé la patate brûlante il n’a été question justement que de pouvoir de consommation, de partage un peu moins injuste du gâteau. Pompidou plus filou que le Général, qui passera la main l’année suivante à son Premier Ministre banquier de chez Rothschild, transformera la classe ouvrière en consommateurs en favorisant notamment l’accès à la propriété et en faisant vivre les gens à credit, réduisant ainsi aussi le rôle des syndicats. Des familles endettées y réfléchissent à deux fois avant de faire grève, manifester et descendre dans la rue. Ceux de 68, restés fidèles à leurs idéaux ont soit basculé dans l’extrême gauche plus violente (jusqu’à l’extrême action directe) soit se sont retrouvés dans le mouvement ecolo pacifiste et anti nucléaire, dans tous les cas ils seront victimes d’une répression très violente qui les poussera à rentrer dans le rang ou à se marginaliser avec parfois des résurgences autour d’un combat spécifique comme celui du Larzac. Giscard renforcera cette tendance et Mitterand arrivera trop tard pour inverser la tendance. Certaines revendication de société comme la pilule, le droit à l’avortement, des reformes dans l’éducation, etc... avaient été accordées, pour le reste c'était « consommes et tais-toi » ou « métro-boulot-dodo », l’abrutissement pour mieux faire passer les messages de séduction qui enchaineront encore plus en poussant à consommer donc à s’enchaîner. Quand aux plus créatifs de 68 parmi ceux qui sont rentrés dans rang, la récupération par le système en fera des éléments moteurs du capitalisme libéral Macron compatibles comme tu dis (surtout leurs enfants, les parents restant attachés à la gauche de gouvernement qui a fait semblant de reprendre la critique du système en ne lui donnant qu’un vernis de modernité mais ils se donnaient ainsi bonne conscience). Certains sont restés fidèles à la gauche extrême un peu caricaturale de Laguiller et sa descendance (Poutou, Besancenot, etc...), les seuls à n’avoir jamais cessé de remettre en cause l’economie liberale. Avec ceux beaucoup plus nombreux qu’on ne croit qui se sont mis à l’écart du combat politique (« élections, pièges à cons ») et sont venus gonfler les chiffres des abstentions. Certains de ceux-ci se sont retrouvés dans les gilets jaunes croyant revivre les contestations d’antan, d’autres au contraire se retrouvent plus dans le nouveau combat écologique pour un monde qui change de priorités, d’autres continuent de faire leur petite révolution au niveau local ou personnel.